planche publiée le 08 septembre 2025

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Table des matières

La production de logements abordables

1Le logement abordable apparait comme une catégorie de plus en plus mobilisée par l’action publique. Cette notion naît du constat de la difficulté accrue des ménages à se loger dans le parc privé face à l’inabordabilité croissante du marché immobilier, en parallèle de l’accentuation des inégalités patrimoniales (Le Goix et al., 2021). Le logement abordable désignerait alors une offre de logements non réduite au locatif social, accessible aux populations avec des revenus inférieurs au revenu médian et plafonnant leur effort financier pour se loger. Il regroupe donc des segments de marché plus ou moins régulés : des logements sociaux, jusqu’aux dispositifs d’accession sociale ou de loyers réglementés.

2L’intercommunalité de Rennes Métropole ambitionne de longue date de garantir l’accessibilité du logement, via notamment des documents stratégiques de programmation comme le Plan Local de l’Habitat (PLH), qui est contractualisé avec chacune des communes membres. Son dernier PLH (2023-2028) renforce ainsi le poids du locatif social et de l’accession aidée dans la part de l’offre nouvelle à construire pour ces communes, et introduit le nouveau mécanisme de la dissociation foncière via une offre en Bail Réel Solidaire (BRS)1. Bénéficiant également depuis 2023 du statut d’Autorité Organisatrice de l’Habitat (AOH)2, la Métropole se caractérise ainsi par une politique volontariste visant à produire de nouveaux logements accessibles aux ménages, en location ou accession.

3Depuis plus d’une dizaine d’années, la métropole connaît une production moyenne annuelle forte (4 413 logements sur la période 2015-2021 selon l’Insee), accompagnée d’une hausse relativement continue des prix immobiliers. Parmi cette nouvelle offre résidentielle, une part importante est issue des projets inscrits dans la démarche ÉcoQuartier relayée par l’État. Or l’urbanisme durable a souvent été considéré comme reproduisant des inégalités sociales et engendrant une hausse des valeurs foncières et immobilières (Adam, 2024). L’accessibilité de ces ÉcoQuartiers et leur participation à la construction d’une offre de logements abordables pour la métropole interrogent alors.

Les ÉcoQuartiers d’une ville-archipel

4Les sept projets ici étudiés sont marqués par différents degrés d’intégration dans la labellisation ÉcoQuartier gérée par le Ministère de la Transition écologique. Celle-ci fonctionne en plusieurs étapes (figure 1), de l’engagement dans la démarche (étape 1), au lancement du chantier (étape 2), jusqu’à l’octroi final du label suite à la livraison (étape 3). Seule l’opération de La Courrouze bénéficie actuellement du label « étape 3 – livré »3. Son obtention est conditionnée au respect général, mais non exhaustif, des 20 critères du référentiel ÉcoQuartier, alliant mixité sociale, gouvernance, développement économique et transition écologique4. Depuis le lancement de la démarche avec le Plan Ville durable en 2008 puis sa pérennisation via une campagne annuelle de labellisation depuis 20135, plus de 10 900 logements ont été programmés dans ces ÉcoQuartiers, parmi lesquels 5 200 ont déjà été réalisés (CEREMA, fichiers fonciers 2022).

Figure 1 - L’insertion des ÉcoQuartiers rennais dans une ville-archipel

Sources : Base ÉcoQuartiers, Ministère de la Transition écologique, 2023 ; synthèse des zonages des POS et PLU, Rennes Métropole, 2018

5Trois types de projets sont identifiables (figure 1) : des nouveaux quartiers en reconversion sur des friches importantes ; des nouveaux quartiers en extension urbaine sur d’anciennes terres agricoles ou naturelles ; des opérations mixtes intégrant reconversion et extension. Ces ÉcoQuartiers comptent en moyenne près de 1 500 logements programmés, avec une grande variabilité entre la ZAC de la Branchère (environ 200 logements) à Chevaigné et La Courrouze (plus de 5 000 logements)6. Les projets s’insèrent essentiellement dans le modèle de ville-archipel (Chapuis et Viard, 2013), préservant une ceinture verte de forêts et espaces agricoles, et conduisant à repousser la périurbanisation au-delà (photo 1). Une majorité d’ÉcoQuartiers se situe donc en deuxième couronne et se caractérise par de l’extension périurbaine. Les projets en ÉcoQuartier participent ainsi à la croissance démographique des communes en périphérie de la métropole.

Photo 1 : La construction de maisons dans les dernières tranches de l’ÉcoQuartier de la ZAC des Champs Bleus aux portes de Rennes

Photo : Héloïse Chauvel, 28 octobre 2024 - CC BY-NC-ND 4.0

Les dernières tranches de la ZAC des Champs Bleus se caractérisent par du petit habitat pavillonnaire. Celui-ci vient s’ajouter aux bâtis majoritairement collectifs qui constituent cet ÉcoQuartier de 1 500 logements qui se construit aux portes de Rennes. Il se situe au-delà de la ceinture verte immédiate bordant la ville-centre. On distingue à l’arrière-plan de la photographie le quartier de grands ensembles de Villejean sur la gauche, ainsi que les tours d’habitations des Horizons sur la droite.

6Concernant les formes de cette extension périurbaine, on observe une variété d’habitat. Entendant participer aux politiques de densification de la Métropole, en lien avec les objectifs affichés par le PLH, ces opérations rompent avec le modèle du tout pavillonnaire, mais également avec la politique urbaine des ZUP7 des années 1960. Ces projets privilégient ainsi des petits collectifs, à l’exclusion de La Courrouze à Rennes dont plusieurs bâtiments font une quinzaine d’étages (figure 2).

Figure 2 - Les différentes formes d’habitat proposées dans les ÉcoQuartiers de la métropole

Source : CEREMA, fichiers fonciers 2022

Les données exploitées, issues des fichiers fonciers 2022 mis à disposition en accès restreint par le CEREMA, ont permis de dénombrer les nouveaux logements construits depuis 2008 suivant leur type. Le tableau présente la part dans les ÉcoQuartiers des logements de type individuel, petit collectif (allant jusqu’à 3 étages) et grand collectif. On observe un gradient de densité des formes résidentielles proposées suivant la distance au centre de la Ville de Rennes.

7L’abandon du modèle pavillonnaire est cependant partiel puisqu’une majorité des ménages métropolitains demeurent attachés à l’idéal de la maison individuelle avec jardin. Face à la difficulté des promoteurs pour commercialiser des logements collectifs en libre en deuxième couronne, certains programmes collectifs ont dû être rebasculés en lots libres, comme à la ZAC de la Branchère à Chevaigné ou à la Niche aux Oiseaux à la Chapelle-Thouarault, réduisant par-là la densité résidentielle initialement prévue. Une part importante des logements demeure donc en individuel, associant maison et terrain, bien que les formes d’habitat proposées s’avèrent davantage groupées (photo 2). On observe finalement un gradient de densité, horizontale et verticale suivant la distance au centre de la métropole (figure 2).

Photo 2 : Plusieurs maisons individuelles groupées à la ZAC de la Branchère à Chevaigné

Photo : Héloïse Chauvel, 29 octobre 2024 - CC BY-NC-ND 4.0

La ZAC de la Branchère à Chevaigné comporte plusieurs tranches de maisons mitoyennes avec jardins, dont certaines sont issues du basculement de deux programmes collectifs en lots individuels.

Une offre importante de logements sociaux

8Souvent apparentés dans la littérature scientifique à des logements destinés aux classes moyennes et supérieures, les ÉcoQuartiers proposent en réalité une offre résidentielle composite, dont une grande part de logements sociaux. Le référentiel ÉcoQuartier forme une grille encadrant a minima la programmation, notamment sur la part du logement libre par rapport au social8. Dans le cas des ÉcoQuartiers de la métropole, 29,4 % des nouveaux logements réalisés dans ces projets sont des logements sociaux (CEREMA, fichiers fonciers 2022). Cette part descend à 21,7 % pour les nouveaux logements de la métropole hors ÉcoQuartiers. Ainsi la vocation de ces projets d’aménagement à produire du logement social semble particulièrement marquée au regard du reste de la production urbaine.

Figure 3 - Comparaison des nouveaux logements du parc libre et du parc social dans les communes avec un ÉcoQuartier

Source : CEREMA, fichiers fonciers 2022 ; champ d'analyse : nouveaux logements construits depuis 2008

9Au-delà du stock total, la part des logements libres et sociaux en ÉcoQuartier rapportée aux productions respectives de chaque commune renseigne sur l’importance de ces nouveaux quartiers pour les marchés locaux (figure 3). Pour plusieurs communes de première et deuxième couronne, l’ÉcoQuartier forme la majeure partie, voire la totalité, de la production résidentielle (La Chapelle-Thouarault, Vezin-le-Coquet, Chevaigné, Chantepie), en libre et en social. L’opération sert alors un objectif de rattrapage dans la production de logement social. Pour les communes de Saint-Jacques-de-la-Lande et Le Rheu, la production est partagée à parts égales en et hors ÉcoQuartier. Le projet apparait alors moins dédié à une offre sociale. Enfin pour la Ville de Rennes, l’ÉcoQuartier est une production résidentielle parmi d’autres, ce qui interroge la spécificité de cette nouvelle offre.

10Au-delà du volume de logements produit, notamment de locatifs sociaux, le détail de la programmation réalisée, suivant les dispositifs et financements mobilisés, questionne l’accessibilité socio-économique de cette nouvelle offre pour les ménages (voir planche à suivre 2/2).

Héloïse Chauvel, 2025 : « Produire des logements plus écologiques dans la métropole : quelle contribution des ÉcoQuartiers au logement abordable ? (1/2) », in B. Bisson, B. Mericskay, O. David, A. Lepetit & V. Deborde Atlas social de la métropole rennaise [En ligne], eISSN : 2999-2923, mis à jour le : 08/09/2025, URL : https://atlas-social-de-rennes.fr:443/index.php?id=1463, DOI : https://doi.org/10.48649/asdr.1463.