Concevoir un quartier vert et intergénérationnel avec les habitant·e·s, dans une petite commune de la métropole rennaise
par Marie Guilpain
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Dans la perspective de l’application de la loi Climat et Résilience, notamment l’objectif « ZAN »1, la métropole rennaise accentue, aujourd’hui, sa stratégie de densification des opérations d’aménagement en retravaillant l’ensemble des documents d’urbanisme. Mais comment les petites communes de la deuxième, voire de la troisième couronne réussissent-elles à répondre à ces nouveaux objectifs métropolitains ? Quels impacts ces derniers ont-ils sur le processus de conception des futures opérations d’urbanisme ? L’exemple de l’aménagement communal « Suzi » à Corps-Nuds, illustre ce type de processus où cohabitent enjeux sociaux et environnementaux, mettant en avant l’importance de la participation habitante.
L’opération communale « Suzi » ou l’ambition d’un nouveau quartier intergénérationnel et inclusif
1Corps-Nuds est une commune d’environ 3 500 habitant·e·s, appartenant à la troisième couronne de Rennes Métropole. Dans le cadre des différents documents d’urbanisme (PLUi, SCoT, OAP2, …), mais aussi pour répondre à la pression foncière que connait la métropole depuis quelques années, la commune a décidé en 2021 de lancer une opération d’aménagement communal intitulée « Suzi ». Cette dernière correspond à la création d’un nouveau quartier d’habitat d’une cinquantaine de logements, au sein duquel un EHPAD3 sera déconstruit et reconstruit.
2L’enjeu est de taille pour la municipalité qui doit concevoir un quartier dense, pourvu d’espaces publics qualitatifs, inclusifs et intergénérationnels, tout en limitant l’imperméabilisation d’un secteur à l’origine agricole (et donc perméable). Afin d’être accompagnée dans cette mission, la commune de Corps-Nuds a confié la conception, ainsi que la phase opérationnelle de l’opération, à un bureau d’étude à la fois sensible aux enjeux paysagers et architecturaux du projet, et proposant une démarche participative avec les riverain·e·s du secteur à aménager.
3Finalement, plus que la densité, c’est l’intensité urbaine d’un tel quartier qu’il convient de mettre en lumière. C’est-à-dire à la fois la qualité urbaine, le lien à la nature, au paysage, mais aussi l’ambiance du quartier permettant les échanges et l’intimité au sein d’un même lieu, offrant ainsi une certaine qualité de vie (Chapuis, 2012).
La participation habitante au cœur de la fabrique de la ville
4Dès ses débuts, le projet a soulevé de potentiels conflits. C’est dans ce cadre que les ateliers participatifs sont apparus comme indispensable à la conception du quartier. En effet, comment faciliter l’acceptation et l’appropriation du projet par les riverain·e·s qui vont voir leur environnement se transformer et surtout se densifier (habitations individuelles, nouvel EHPAD, création d’un petit immeuble, …) ?
Des temps participatifs ont ainsi été organisés par le bureau d’étude à chacune des phases du projet. Il s’agissait d’entendre les craintes, besoins et interrogations des riverain·e·s, mais aussi de les laisser s’exprimer au travers du dessin. La participation s’est donc construite autour de plusieurs temps. D’abord une balade sur site permettant d’établir un premier diagnostic avec la population. Le but était à la fois de constater l’état actuel du site (contexte paysager, localisation au sein du bourg), de prendre en compte l’opinion des riverain·e·s qui en découlaient, et ainsi de révéler les enjeux d’inscription du projet dans un contexte urbain existant. Il en est ressorti qu’il fallait veiller à la connexion au centre-bourg, tout en préservant la tranquillité actuelle du secteur. Puis des ateliers de travail ont été organisés, autour de plans, au cours desquels les participant·e·s ont pu expérimenter la conception de scénarios d’aménagement (principe de circulation, localisation des différents logements, travail sur les espaces publics, etc.). Les productions de cet atelier, ont ensuite été réinterprétées et adaptées par le bureau d’étude pour être à nouveaux soumises à l’avis des participant·e·s et de la municipalité. Enfin, il y a eu un temps permettant de réfléchir à la programmation du lieu en choisissant et localisant du mobilier.
Figure 1 - Des ateliers participatifs à différentes étapes du projet
Photos : Atelier Ersilie, 2022 - CC BY-NC-ND 4.0
5Finalement, un tel projet témoigne de l’importance de la participation dans les opérations d’aménagement et ce sous différentes formes, allant au-delà de la simple consultation ou concertation. En effet, plus que recueillir des avis, il s’agit d’associer la population à la conception (Gaudin, 2013). L’implication des parties prenantes en amont peut à la fois permettre de désamorcer certains conflits et favorise l’inclusion et l’appropriation future du projet (Percq, 1994 ; Ximena Lopez Rieux, 2010 ; El Moualy, 2019). Cependant, malgré ces nombreux avantages, la participation est loin d’être un prérequis dans les projets métropolitains, faute de temps mais aussi parce que tous les bureaux d’études n’ont pas la même sensibilité face à cette démarche et ne disposent pas toujours des compétences nécessaires à la mise en place de tels temps participatifs.
Vers un quartier végétalisé et inclusif à Corps-Nuds
Figure 2 - Plan de masse de l’opération d’aménagement communal « Suzi »
Source : Atelier Ersilie, 2023 - CC BY-NC-ND 4.0
6Comme en témoigne le plan de masse, l’ensemble des enjeux identifiés au cours des temps participatifs semble avoir été intégré au projet. Le quartier « Suzi » sera composé d’une cinquantaine de logements, dont un petit immeuble collectif d’une trentaine. À l’ouest du projet on retrouve une parcelle de presqu’un hectare, destinée au futur EHPAD (faisant l’objet d’un autre projet d’architecture). L’ensemble du quartier est traversé par une trame verte dense, support à la fois de la gestion des eaux pluviales mais aussi des cheminements piétons. Elle permet de relier le centre-bourg à un jardin de pluie, c’est-à-dire un aménagement paysager et ludique des bassins de gestion des eaux pluviales, se trouvant au Sud du secteur. Les voies de circulations desservent un réseau de placettes se dessinant comme des lieux de rencontre. Il s’agit donc d’un quartier à échelle humaine, où les futurs habitant·e·s peuvent se rencontrer et rejoindre le centre-bourg, à pied ou à vélo.
7L’échelle humaine était un objectif important pour la commune qui se dit rurale et tient à affirmer cette identité, mais aussi pour les personnes âgées résidantes de l’EHPAD. Il en va de même pour la qualité des espaces publics, au travers de la végétalisation et du mobilier qui les composent, représentant un facteur essentiel pour la santé des populations.
8Cette opération, à travers ses objectifs et modalités, témoigne des enjeux actuels, à la fois sociaux mais aussi environnementaux, qui incombent à la fabrique de la ville contemporaine. Elle illustre la complexité de répondre aux besoins des différentes parties prenantes, qui peuvent parfois s’opposer. Ainsi, ce projet est-il révélateur du processus de conception au sein de la métropole ?
9Il semble difficile de monter en généralité dans la mesure où chaque bureau d’étude propose une démarche de conception qui lui est propre : la participation n’en faisant pas nécessairement partie. Pour autant, il semble intéressant de parler d’un tel projet qui démontre la faisabilité d’un quartier vert à l’ambition inclusive, co-construit par ses habitant·e·s, dans la troisième couronne métropolitaine.
Notes
1 Zéro Artificialisation Nette
2 Plan Local d'Urbanisme intercommunal, Schéma de Cohérence Territoriale, Orientation d'Aménagement et de Programmation
3 Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
Pour citer ce document
Marie Guilpain, 2023 : « Concevoir un quartier vert et intergénérationnel avec les habitant·e·s, dans une petite commune de la métropole rennaise », in B. Bisson, B. Mericskay, O. David, A. Lepetit & V. Deborde Atlas social de la métropole rennaise [En ligne], eISSN : 2999-2923, mis à jour le : 10/07/2023, URL : https://atlas-social-de-rennes.fr:443/index.php?id=661, DOI : https://doi.org/10.48649/asdr.661.
Autres planches in : Aménagement, urbanisme, logement et habitat
Bibliographie
Barretto Clara, Dubroca Vincent, Lebre Isabelle, Hazard Pierre et Decory Fanny, 2012, « Ville intense, ville intime. L’armature d’une métropole attractive », a'urba (agence d'urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine) https://www.aurba.org/wp-content/uploads/2013/04/Villeintensevilleintime.pdf
El Moualy Sabine, La nature en ville : comment les pratiques aménagistes s'adaptent en continu : étude à partir de cinq projets du Grand Ouest, Thèse de doctorat, Université Rennes 2, 2019, 558 p. https://theses.hal.science/tel-02058661
Gaudin Jean-Pierre, 2007,« La démocratie participative », Editions Armand Colin, cité par Racine Jean-Bernard, 2008, « Projet urbain et démarche participative : contribution géographique à la possibilité de choisir sa ville aujourd’hui, quelques leçons de l’expérience lausannoise », Bulletin de la société géographique de Liège, https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=1585&file=1
Percq Pascal, 1994, Les habitants aménageurs, Editions de l'Aube.
Ximena Lopez Rieux Claudia, 2010, « L'aménagement participatif. Un nouvel objet d'étude », L'Ordinaire des Amériques https://doi.org/10.4000/orda.640
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Dans la perspective de l’application de la loi Climat et Résilience, notamment l’objectif « ZAN »1, la métropole rennaise accentue, aujourd’hui, sa stratégie de densification des opérations d’aménagement en retravaillant l’ensemble des documents d’urbanisme. Mais comment les petites communes de la deuxième, voire de la troisième couronne réussissent-elles à répondre à ces nouveaux objectifs métropolitains ? Quels impacts ces derniers ont-ils sur le processus de conception des futures opérations d’urbanisme ? L’exemple de l’aménagement communal « Suzi » à Corps-Nuds, illustre ce type de processus où cohabitent enjeux sociaux et environnementaux, mettant en avant l’importance de la participation habitante.
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