planche publiée le 27 septembre 2024

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Table des matières

Quelle méthodologie pour saisir le rapport sensible au campus ?

1Dans le cadre d’un cours d’initiation à la recherche en troisième année de Licence de Géographie1, nous avons eu pour consignes de réaliser une carte sensible sur un sujet de notre choix dans la limite géographique de l’université Rennes 2, et plus spécifiquement du campus Villejean, situé au nord-ouest de Rennes. Nous avons décidé d’interroger l’approche des néo arrivants2 sur le campus et plus particulièrement des inscrits en première année de Licence (L1). Nous souhaitions illustrer leurs sensations, leurs ressentis et leurs appropriations alors qu’iels sont en train de découvrir ce nouvel espace. Un questionnaire a été élaboré et diffusé afin de recueillir des réponses spontanées et libres3. Notre objectif était d’échantillonner les L1 venant de chaque UFR4 (Arts Lettres et Communication, Langues, Sciences Sociales, Sciences Humaines) et de savoir quelle image iels avaient de chaque bâtiment constituant le campus (Gaujal, 2019). Grâce à ce questionnaire nous avons pu déterminer quels étaient les lieux les plus fréquentés, délaissés, jugés agréables ou moins appréciés par une majorité d’étudiant·es5.

2Les réponses collectées ont été organisées dans une base de données pour l’exploitation et l’analyse des mots, des détails, des ressentis, et des espaces mentionnés.

Carte sensible

Photo : Denise Hennequin et Juliette Gatel - CC BY-NC-ND 4.0

Carte sensible du campus Villejean de Rennes 2 d’après les étudiant·es en première année de Licence

3Les résultats montrent que les bâtiments B (photo 1) et L (photo 2) sont unanimement perçus comme centraux au sein du campus de l’université.

Photos : Arnaud Lepetit - CC BY-NC-ND 4.0

Photo 1 : Le hall du bâtiment B, un centre fonctionnel et emblématique. Photo 2  : Le bâtiment L, bâtiment accueillant les étudiant·es en langues

4Au contraire, les bâtiments G, N (photo 3), M ou F (photo 4) tous périphériques, sont davantage considérés comme isolés, inconnus, ou délaissés.

Photos : Brieuc Bisson - CC BY-NC-ND 4.0

Photo 3 : Le bâtiment N accueille la Maison de la recherche en sciences sociales. Les étudiant·es le fréquentent et le connaissent peu. Photo 4 : Le bâtiment F, situé en marge du campus, dernier reliquat de préfabriqués installés dans les années 1980

5Cette dialectique centralité/périphérie est intéressante ici pour analyser ces résultats. Tout d’abord on observe une première centralité incarnée par l’agora au cœur du campus (photo 5) et représentée par les transats sur la carte.

Photo 5

Photo : Arnaud Lepetit - CC BY-NC-ND 4.0

L'agora au cœur du campus. Aux beaux jours, des transats sont installés à destination des étudiant·es.

6D’autres centralités apparaissent le long des itinéraires entre l’entrée du campus au nord6 et l’agora centrale (itinéraires représentés par un trait gris foncé sur la carte). Ainsi des bâtiments pourtant périphériques par rapport à la centralité de l’agora, comme l’Erève (bâtiment R) (photo 6), la Bibliothèque Universitaire (bâtiment H) (photo 7) ou le restaurant universitaire le Métronome (principal restaurant universitaire) (photo 8) sont plus facilement identifiés et décrits dans la mesure où ce sont des lieux fréquemment pratiqués.

Photos : Arnaud Lepetit (7) et Brieuc Bisson (6 et 8) - CC BY-NC-ND 4.0

Photo 6 : La file d’attente un midi devant l’Erève. Dans ce bâtiment, on retrouve des lieux de restauration et les bureaux des associations étudiantes. Photo 7 : Le bâtiment H, la bibliothèque universitaire (BU) centrale. Photo 8 : La file d'attente un midi devant le Métronome, restaurant universitaire central.

7Les bâtiments les moins connus sont périphériques non seulement par rapport à la centralité de l’agora mais aussi par rapport aux itinéraires parcourus par les étudiantes et étudiants.

La carte sensible du campus, dépasser la stricte représentation topographique

8Après le travail d’analyse, nous avons pu commencer la représentation cartographique, pour ensuite aboutir à la réalisation de notre carte sensible. Nous avons choisi de modifier l’échelle réelle et de l’adapter en fonction des résultats, en jouant sur la taille ou les distances, en modifiant l’espace réel pour mieux mettre en avant l’espace vécu et le ressenti.

9 Par exemple, nous avons pu :

• grossir des bâtiments centraux,
• réduire des bâtiments qui semblent mineurs,
• éloigner les bâtiments vus comme isolés,
• rapprocher les bâtiments qui sont perçus comme complémentaires.

10Les flux de circulation majeurs et mineurs ont ensuite été représentés en faisant varier l’intensité du trait de couleur grise. Un aplat de couleur jaune illustre la convivialité des bâtiments « centraux » B et L, un aplat de couleur vert a été choisi pour tous les espaces verts.

11À partir de ce fond de carte nous avons ensuite retranscrit certaines représentations en mobilisant des symboliques propres à chaque lieu. Ainsi, un labyrinthe symbolise le bâtiment  L et son dédale de couloirs, alors qu’un cornet à pop-corn désigne le bâtiment O (auditorium le Tambour) que les répondants ont eu tendance à résumer en tant que salle de projection.

12Après cette description très générale du campus de Villejean, nous avons abordé la représentation des éléments plus ponctuels en utilisant  :

• Des bulles contenant des phrases et des ressentis extraits de l’enquête (exemple : « quelqu’un a trouvé l’entrée ? ») ,
• Des figurés distinctifs et explicites, par exemple des cœurs pour faire apparaître les lieux particulièrement appréciés de la population étudiante (salle de sieste (photo 9), cartothèque (photo 10), bar associatif, etc.).

Photos : Brieuc Bisson - CC BY-NC-ND 4.0

Photo 9 : La salle de sieste dans la bibliothèque universitaire centrale. Photo 10 : La cartothèque, salle des cartes de la bibliothèque de sciences sociales regroupant près de 54 000 cartes, à disposition des corps enseignant et étudiant

13Enfin, un ton humoristique a été sciemment utilisé pour exagérer le ressenti (exemples : les toiles d’araignées, les files d’attente interminables ou des extraits « amusants » de verbatim).

14Il s’agissait d’aller au-delà d’une stricte représentation des lieux au sens morphologique du terme et de leur attribuer une dimension sensible liée à une pratique quotidienne.

Une représentation sensible à nuancer

15Il convient de préciser que ce travail exploratoire pourrait être approfondi en élargissant le nombre et les profils des enquêtés (en « puisant » de manière représentative dans l’ensemble des formations proposées et des disciplines enseignées à l’université). Malgré cela, la cartographie sensible proposée ici se veut au plus proche des réponses et des ressentis collectés.

16Ainsi les lieux bénéficiant d'une représentation plutôt favorable auprès des étudiant·es sont majoritairement des lieux fréquentés et centraux (le bâtiment l’Erève, la BU centrale par exemple). A contrario, les lieux délaissés, communément moins appréciés, sont quant à eux plus périphériques.

17Toutefois, il serait intéressant de questionner les représentations des étudiant·es présent·es à l’université depuis plus d’un an, pour mettre en évidence des variations et/ou des continuités par rapport aux novices. Aussi pour un individu, faut-il s’interroger, quant à l’importance du premier ressenti dans sa représentation des lieux. La représentation faite pour un espace donné lors d’une première approche contribuerait à la relation établie avec lui par la suite. Les premiers ressentis concernant un espace tendraient ainsi à s'ancrer dans le temps, bien qu'ils puissent évoluer en fonction des expériences. Alors, la représentation que nous développons à notre arrivée sur le campus Villejean serait-elle la base d’une représentation partagée ?

18Certes incomplète et réductrice, cette cartographie sensible n’en demeure pas moins la synthèse et le reflet du ressenti des étudiantes et des étudiants qui découvrent et expérimentent un lieu important dans leur vie, celui de leurs études.

Denise Hennequin et Juliette Gatel, 2024 : « Rennes 2 pour les nouvelles étudiantes et les nouveaux étudiants, une exploration sensible du campus Villejean », in B. Bisson, B. Mericskay, O. David, A. Lepetit & V. Deborde Atlas social de la métropole rennaise [En ligne], eISSN : 2999-2923, mis à jour le : 01/10/2024, URL : https://atlas-social-de-rennes.fr:443/index.php?id=1235, DOI : https://doi.org/10.48649/asdr.1235.