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Mise en service en septembre 2022, la ligne B du métro de Rennes dessert désormais plus largement et équitablement la ville-centre, au service des quartiers prioritaires, des étudiant·es et des nouveaux secteurs de développement. Ce métro automatique léger bénéficie d’une forte fréquence et d’une fiabilité exceptionnelle, ce qui pourrait renchérir l’immobilier. Mais ce réseau intra-rocade est aussi en décalage avec la configuration en « ville-archipel » aux localités périurbaines séparées par une ceinture verte datée.
Un métro controversé et coûteux
1Depuis l’ouverture de la ligne A en 2002, Rennes est avec Lausanne (147 000 habitants) l’une des plus petites villes du monde dotée d’un métro. Le choix fait par la municipalité dès 1989 d’un tel mode de transport lourd, de surcroît essentiellement souterrain, avait fait l’objet de vives polémiques avec les écologistes et le géographe Michel Phlipponneau (1995), ancien président de l’intercommunalité et premier adjoint au maire, qui le jugeaient trop coûteux par rapport au tramway (Marconis, 1997). Après les 450 millions € de la première ligne, la seconde aura coûté 1,3 milliard, investissement considérable pour l’agglomération. Pour limiter la spéculation immobilière autour des stations, les autorités prévoient une part de logements à prix régulés grâce à leur bonne maîtrise foncière.
Figure 1 - Les chiffres clés de la ligne B
Auteur : Boris Mericskay, CC-BY-NC-ND 4.0
Une desserte plus intense et plus équitable de la ville-centre
2Le choix d’un VAL (Véhicule automatique léger) est toutefois adapté aux dimensions de Rennes en raison de son faible encombrement. Sa capacité réduite (180 passagers par rame) est compensée par sa haute fréquence, encore accrue pour la ligne B : toutes les 3 minutes, voire un cadencement d’1 minute 30 en heure de pointe, soit deux fois mieux qu’à l’origine. Grâce à sa vitesse commerciale de 32 km/h., Rennes devient en quelque sorte la « ville du quart d’heure » (Moreno et al., 2021) puisque la ligne A se parcourt en 16 min et la B en 21. Vingt ans après, la ligne B vient doubler le réseau en lui donnant la forme d’un X qui élargit considérablement le périmètre desservi. L’accessibilité de la ville-centre par ce système est à présent excellente : la carte (figure 2)montre que l’essentiel de ses quartiers d’habitation, et donc une part très élevée de la population, sont situés à moins de 600 mètres d’une station, soit 10 min de marche au maximum ou 2 min à vélo.
Figure 2 - Explorer l'accessibilité à pied de la nouvelle ligne de métro de Rennes
https://sites-formations.univ-rennes2.fr/mastersigat/WebMaps/Metro_Swipe_Atlas.htmlAuteur : Boris Mericskay
3Les stations sont aussi mieux distribuées dans l’espace, desservant désormais les quartiers sud-ouest et nord-est. La logique du tracé d’un tel axe de transport est toujours la même : elle privilégie les secteurs au bâti dense (généralement plus peuplés et mieux pourvus en services sinon en emplois tertiaires), les quartiers populaires aux populations moins motorisées et les pôles générateurs de déplacement drainant un grand nombre de visiteurs (centres hospitaliers, campus universitaires, établissements scolaires).
4La carte montre que la ligne B a obéi à ces principes universels : dédoublement du tracé en centre-ville, desserte des quartiers prioritaires de Maurepas et Cleunay et des grands établissements scolaires et universitaires au nord-est (notamment le campus de Beaulieu), connexion au technopôle d’Atalante et au nouveau quartier ViaSilva.
5La ligne B répond visiblement à un autre principe des transports publics de masse, « la croissance urbaine guidée par le réseau de transport en commun » (TOD en anglais, pour transit oriented development), selon lequel l’extension urbaine doit aller de pair avec l’expansion des réseaux de transport collectif. La carte montre que les deux plus grandes opérations d’urbanisme sous forme d’éco-quartier engagées à ce jour (La Courrouze au sud-ouest sur une ancienne friche militaro-industrielle et ViaSilva au nord-est dans le prolongement d’Atalante) bénéficient de la seconde ligne.
6Le métro est aussi un instrument classique du renouvellement urbain qui consiste à « refaire la ville sur la ville » pour éviter de consommer de nouveaux sols. La Courrouze correspond à un programme de cette nature tout comme le quartier de la gare (opération « EuroRennes »). Les chiffres de fréquentation de la ligne B des cinq premiers mois d’exploitation présentent une utilisation bien moindre que la ligne A (figure 3). Ces données sont toutefois à relativiser dans la mesure où ce nouveau réseau est un moteur d’attractivité pour de nombreuses zones encore en développement. Il est probable que la fréquentation de la ligne B augmente au fil du temps à mesure que les quartiers qu’elle dessert se transforment en attirant davantage d’activités et de population.
Figure 3 - Fréquentation journalière des deux lignes de métro de Rennes (de l'inauguration le 20 septembre 2022 au 31 décembre 2022)
https://public.flourish.studio/visualisation/12590733/Auteur : Boris Mericskay
Le val, un choix paradoxal pour une « ville archipel »
7En revanche, la Plaine de Baud, objet d’une telle reconquête urbaine sur friches industrielles et ferroviaires à l’est de la gare, restera éloignée du métro. On voit sur la figure 2 que les zones d’activités de l’ouest et de l’est restent aussi à distance du métro. C’est pourquoi la Métropole, Autorité organisatrice des mobilités (AOM), lance un projet de lignes de trambus à haut niveau de service à l’horizon 2027-2030, sur l’axe est-ouest (de Vezin-le-Coquet à Cesson-Sévigné) et en direction des zones industrielles et commerciales figurant en rouge sur la carte (axe nord-sud de Saint-Grégoire à Chantepie et itinéraire depuis le terminus de Saint-Jacques vers Bruz).
8Ce nouveau projet d’envergure confirme l’inadéquation d’un métro intra-rocade aux orientations de la planification urbaine héritée des années 1970 en faveur d’une ceinture verte inconstructible reportant l’urbanisation à cinq kilomètres environ au-delà de l’actuelle rocade, choix conforté par le modèle revendiqué de la ville-archipel privilégiant la croissance des communes péri-urbaines (Chapuis et Viard, 2013). Cette organisation très éclatée rallonge les trajets domicile-travail et accroît la congestion routière, sans que le métro puisse répondre de manière satisfaisante, surtout avec des parcs-relais tardifs et intra-rocade, peu incitatifs à l’intermodalité (combinaison de modes de transport).
Pour citer ce document
Guy Baudelle et Boris Mericskay, 2023 : « Les effets contrastés de la 2e ligne de métro rennaise », in B. Bisson, B. Mericskay, O. David, A. Lepetit & V. Deborde Atlas social de la métropole rennaise [En ligne], eISSN : 2999-2923, mis à jour le : 22/07/2023, URL : https://atlas-social-de-rennes.fr:443/index.php?id=690, DOI : https://doi.org/10.48649/asdr.690.
Bibliographie
Chapuis Jean-Yves et Viard Jean, 2013, Rennes, la ville archipel. La Tour d’Aigues, Editions de l'Aube.
Marconis Robert, 1997, Métros, VAL, Tramways... La réorganisation des transports collectifs dans les grandes agglomérations de province en France. In Annales de géographie. Editions Armand Colin https://doi.org/10.3406/geo.1997.20768
Moreno Carlos, Allam Zaheer, Chabaud Didier., GALL Catherine et Pratlong Florent, 2021, Introducing the « 15-Minute City »: Sustainability, resilience and place identity in future post-pandemic cities. Smart Cities https://hal.science/hal-03549665
Phlipponneau Michel, 1995, Le VAL à Rennes. Spézet, Nature et Bretagne.
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Résumé
Mise en service en septembre 2022, la ligne B du métro de Rennes dessert désormais plus largement et équitablement la ville-centre, au service des quartiers prioritaires, des étudiant·es et des nouveaux secteurs de développement. Ce métro automatique léger bénéficie d’une forte fréquence et d’une fiabilité exceptionnelle, ce qui pourrait renchérir l’immobilier. Mais ce réseau intra-rocade est aussi en décalage avec la configuration en « ville-archipel » aux localités périurbaines séparées par une ceinture verte datée.
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