Atlas social de la métropole rennaise

Un territoire mosaïque

Produire des logements plus écologiques dans la métropole : quelle contribution des ÉcoQuartiers au logement abordable ? (2/2)

par Héloïse Chauvel

planche publiée le 03 octobre 2025

A l’échelle de la Métropole, sept projets d’aménagement s’insèrent dans la démarche ÉcoQuartier instaurée par l’État. Celle-ci intègre des enjeux écologiques mais également socio-économiques, promouvant mixité sociale et abordabilité du logement. Ces aspects rencontrent les ambitions de la Métropole, qui visent à garantir une offre résidentielle accessible aux ménages. Dès lors, quelle est la contribution des projets en ÉcoQuartier à l’enjeu du logement abordable pour les habitant·e·s ? C’est l’objet de cette série de deux planches.

Les différents paliers du locatif social : des spécificités en ÉcoQuartier ?

1Les ÉcoQuartiers contribuent fortement à la production nouvelle de locatif social. Pour autant, ces logements sociaux sont diversement accessibles pour les ménages. Trois paliers successifs de revenus définissent les conditions d’accès, du plus bas (PLAI), au niveau intermédiaire (PLUS), au plus élevé (PLS).

PLAI, PLUS et PLS
Les logements PLAI, financés par le Prêt Locatif Aidé d’Intégration, sont attribués aux locataires en situation de grande précarité.
Les logements PLUS, financés par le Prêt Locatif à Usage Social, sont destinées aux ménages modestes.
Les logements PLS, financés par le Prêt Locatif Social, se destinent aux ménages hors des précédents paliers de revenus mais ne pouvant se loger dans le privé, notamment dans des zones de marché tendu.
En 2025, le plafond de ressources pour une personne seule est de 12 759 € pour un logement PLAI, de 23 201 € pour un logement PLUS, et de 30 161 € pour un logement PLS.

2Ces paliers conditionnent également des niveaux de financements publics, le logement PLAI étant le plus subventionné, suivi par le logement PLUS 1. Ces différents types de logements sociaux se retrouvent dans les ÉcoQuartiers (photos 1, 4 et 5).

Différents programmes résidentiels à vocation abordable dans l’ÉcoQuartier de la Niche aux Oiseaux à la Chapelle-Thouarault, en deuxième couronne

Photo 1

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Une résidence de 21 logements sociaux de type PLUS, livrés en 2011 et produits par le bailleur NEOTOA, dans l’ÉcoQuartier de La Niche aux Oiseaux

Photo 2

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Plusieurs maisons individuelles groupées commercialisées via le dispositif du PSLA, dans l’ÉcoQuartier de La Niche aux Oiseaux

Photo 3

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Plusieurs maisons individuelles groupées commercialisées via le dispositif de la « Maison + jardin », plafonné à 200 000 €, dans l’ÉcoQuartier de La Niche aux Oiseaux

Photos : Héloïse Chauvel, octobre 2024 - CC BY-NC-ND 4.0

Différents programmes résidentiels à vocation abordable dans l’ÉcoQuartier de La Courrouze dans le cœur métropolitain (Rennes, Saint-Jacques)

Photo 4

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La résidence L’Octave de 21 logements locatifs sociaux réalisée par le bailleur social Archipel Habitat en 2023 et située à l’entrée de la nouvelle station « La Courrouze » de la ligne de métro B

Photo 5

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La résidence L’Art de Ville réalisée par le promoteur Legendre Immobilier dans la partie nord de La Courrouze et constituée de 97 logements, dont 41 appartements en prêt locatif social (PLS)

Photo 6

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La résidence L’Atelier d’Amarante réalisé par SO.RE.IM, inaugurée en 2022 dans la partie nord de La Courrouze, et composée de 61 logements collectifs et 4 maisons groupées, dont 18 logements en accession maîtrisée

Photos : Héloïse Chauvel, octobre 2024 - CC BY-NC-ND 4.0

3La comparaison du recours à ces financements dans les ÉcoQuartiers montre une sous-représentation du recours au financement PLS et une sur-représentation du financement PLUS dans ces projets, comparé au reste de la production de locatif social (figure 3). Ces projets ciblent ainsi des franges plus modestes de la population au regard du marché métropolitain. Seule la portion de La Courrouze à Saint-Jacques-de-la-Lande, présente une stratégie de montée en gamme via un recours dominant aux financements PLS destiné à des ménages de classe moyenne (67 % contre 45 % pour le reste du parc social de la commune), pouvant occasionner un effet de filtrage social (Piganiol, 2021).

Figure 3 - Des différences de recours aux financements des logements sociaux dans les ÉcoQuartiers

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Source : RPLS 2022, Héloïse Chauvel - CC BY-NC-ND 4.0

Cette figure exploite les données de la base RPLS 2022 ou Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux, qui permet de dénombrer les logements par type de financement, ici depuis 2008. Les couleurs représentent les résidus standardisés d’un test du Khi² statistiquement significatif (avec une p-value inférieure à 0,05). L’intensité du bleu indique la sur-représentation d’une modalité, quand l’intensité du rouge indique à l’inverse la sous-représentation d’une modalité. Ainsi la modalité du financement PLUS apparaît fortement surreprésenté dans les logements sociaux produits en ÉcoQuartier, et au contraire légèrement sous-représenté dans les logements sociaux produits hors ÉcoQuartier, dans les communes concernées de la Métropole.

4Ainsi la contribution des ÉcoQuartiers au logement abordable s’illustre sur le plan quantitatif par le volume de production neuve de locatif social, qui paraît globalement plus accessible aux ménages métropolitains modestes que la nouvelle offre sociale hors ÉcoQuartier.

Le développement de dispositifs d’accession aidée

5Depuis le début des années 2010, Rennes Métropole promeut une diversification de formes régulées d’offre résidentielle. Les ÉcoQuartiers, s’inscrivent particulièrement dans cette tendance en proposant des produits d’accession aidée ou sociale. Ceux-ci regroupent des dispositifs soutenus par l’Etat pour faciliter l’accès à la propriété des ménages modestes, comme l’accession maîtrisée avec un plafonnement du prix de vente sous certaines conditions2, ou encore le PSLA (prêt social location-accession).

6Ce dernier est un prêt conventionné consenti à un opérateur, social ou privé, pour financer des logements neufs qui feront l’objet d’un contrat de location-accession, avec un taux réduit de TVA à 5,5 %. Le PSLA vise ainsi à faciliter l’accès à la propriété d’un ménage modeste sans apport initial, la phase de location permettant de constituer un apport personnel utilisé lors de la phase d’accession3. Différents plafonds de loyer et de prix existent suivant les zones, permettant de devenir propriétaire d’un logement à un tarif préférentiel. Ce dispositif apparait très mobilisé dans les projets en ÉcoQuartier (photo 2), tout comme l’accession à prix maîtrisée (photo 6).

7Au-delà de ces outils classiques, d’autres dispositifs sont spécifiques à la couronne métropolitaine. C’est le cas de la « Maison + jardin » développé par Rennes Métropole et plusieurs opérateurs immobiliers4. Partant du désir de nombreux ménages en deuxième couronne d’accéder à la propriété à moindre coût, et de loger dans un habitat individuel doté d’un terrain, ce dispositif propose des prix plafonnés à 200 000 € ou 220 000 € selon les zones5. Ces programmes ont été déployés dans plusieurs ÉcoQuartiers de seconde couronne, comme la ZAC de la Niche aux Oiseaux à La Chapelle-Thouarault, qui a ouvert 30 lots de 250 m² construits par le bailleur social Espacil Habitat (photo 3). Rapidement commercialisés, ces produits témoignent de l’intérêt de la demande métropolitaine pour ce type d’habitat.

8L’utilisation privilégiée de ces dispositifs d’accession aidée en ÉcoQuartier s’explique également par le fonctionnement politique et technique des politiques métropolitaines de l’habitat. Des produits immobiliers classiques comme le PSLA, initialement lancés dans le cœur de la Métropole, se sont diffusés progressivement en première et deuxième couronne rennaise, en particulier dans de grandes opérations d’aménagement de type ZAC, dans lesquels on retrouve les ÉcoQuartiers. Cette diffusion fonctionne en grande partie grâce à la présence d’un aménageur commun à la Métropole, la SEM Territoires, qui joue un rôle d’accompagnement auprès des élus et collectivités locales. Par ailleurs, les objectifs des PLH successifs ont conduit à généraliser ces dispositifs pour répondre à l’exigence de mixité sociale et d’abordabilité du logement, qui concordent avec les objectifs affichés des projets en ÉcoQuartier de proposer une offre de logement accessible.

9Ces logements en accession abordable pose toutefois la question du maintien de leur accessibilité au cours du temps. Au-delà de la période d’occupation minimale du logement, variable suivant les opérateurs mais n’excédant souvent pas cinq ans, les propriétaires peuvent revendre les biens sans restrictions. On observe alors des phénomènes de spéculation foncière, avec la revente de maisons subventionnées bien au-delà de leur prix d’origine. Face à ce constat, les autorités communales et métropolitaines se tournent désormais vers le principe de la dissociation foncière.

Une nouvelle offre en Bail Réel Solidaire (BRS)

10La dissociation foncière désigne le fait de découpler la propriété du sol, détenue par un organisme public dénommé Organisme de Foncier Solidaire (OFS), de la propriété du logement en lui-même, via des baux emphytéotiques comme le Bail Réel Solidaire (BRS). Les raisons de ce découplage tiennent à la volonté, d’une part de lutter contre la spéculation foncière et immobilière, et d’autre part de garantir le maintien d’un parc de logements en accession sociale constitué par la collectivité, pouvant bénéficier à de nouveaux ménages entrants. Il vient en réponse aux nombreuses critiques énoncées vis-à-vis des dispositifs d’accession aidée.

11Son développement récent dans la métropole, en particulier dans les ÉcoQuartiers, est à réinscrire dans l’évolution des politiques locales de l’habitat. Le nouveau Programme Local de l’Habitat (PLH) conduit les aménageurs et promoteurs à intégrer cette nouvelle ambition, avec la réalisation à terme d’un parc de 1 700 logements en BRS, regroupés au sein du patrimoine de l’OFS de Rennes Métropole, Foncier Solidaire Rennes Métropole (FSRM) créé en 2018. La spécificité du nouveau PLH de la Métropole tient également à ses quatre niveaux de BRS, du plus aidé (BRS1) au moins aidé (BRS4), pour une gamme de prix moyen allant de 2 800 €/m² pour le BRS1 à 4 200 €/m² pour le BRS4 proche du secteur libre. Les BRS2 et BRS3 proposent des niveaux de prix équivalent à l’accession maîtrisée.

12L’ÉcoQuartier de La Courrouze, en tant qu’opération de grande ampleur et vitrine métropolitaine, apparaît comme un des fers de lance de cette nouvelle politique avec la réalisation de plusieurs centaines de logements en BRS. L’aménageur SEM Territoires a à cet effet basculé des programmes initialement en accession aidée en dissociation foncière, afin d’intégrer à terme 15 % de BRS dans l’offre proposée. De premiers lancements commerciaux ont eu lieu, comme le programme Prado Grande d’Espacil Accession prévu pour fin 2027 et qui propose 12 logements en BRS3 parmi 71 logements sur le secteur Grande Prairie. Par cette mixité programmatique, il s’agit également de réaliser le nouvel objectif du PLH avec l’émergence d’un « continuum de produits immobiliers, [permettant] d'avoir une offre, tant sur l'offre locative que sur l'offre en accession à la propriété, qui soit graduelle pour répondre véritablement à l'ensemble des besoins »6. A Betton, la ZAC de la Plesse et de la Chauffetterie a ouvert également une première résidence en BRS, inaugurée par le groupe immobilier coopératif Kérédes fin 2022 (photo 7), montrant la diffusion de ce nouveau dispositif dans les communes en dehors du cœur de métropole.

Photo 7

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Photos : Héloïse Chauvel, octobre 2024 - CC BY-NC-ND 4.0

En première couronne à Betton, la résidence Le Plessis de 28 appartements (au second plan) fait face à des lots à bâtir classiques de maisons groupées dans l’ÉcoQuartier de la ZAC de la Plesse et de la Chauffetterie. Inaugurée en 2022, elle représente l’un des premiers programmes en BRS hors de la Ville de Rennes.

13Ainsi, au-delà de la représentation des ÉcoQuartiers comme destinés à des ménages aisés, ces projets semblent participer à la construction d’un segment résidentiel abordable, via d’une part le volume de locatif social et d’autre part les différents dispositifs d’accession aidée proposés. Par-là, ils intègrent et poursuivent des engagements formalisés par Rennes Métropole suivant ses différents PLH. Bien que participant aux politiques de densification de la métropole, ces projets montrent toutefois la persistance du modèle de la maison individuelle, en particulier en deuxième couronne. En cela, ils questionnent également les enjeux écologiques de la mobilité de ces ménages périurbains, dont une grande majorité travaille dans la ville-centre.

Notes

1 Rennes Métropole distingue désormais pour sa part les « logements aidés » comprenant les locatifs dits très sociaux (PLAI) et sociaux (PLUS), des « logements régulés », incluant notamment les locatifs en PLS (PLH 2023-2028), qui ne sont donc plus intégrés dans la part minimale de logements sociaux à produire.

2 L’accession maîtrisée est un mode de commercialisation de logements neufs à des prix plafonnés. Les acquéreurs doivent remplir des conditions économiques, avec un seuil maximal de revenus, et d’occupation, le logement devant être destiné à de la résidence principale.

3 La première phase de location induit le versement d’une redevance constituée d’une part locative (correspondant à un loyer plafonné) et d’une part acquisitive, permettant au ménage de constituer un apport personnel. Ce dernier est ensuite déduit du prix de vente lorsque le ménage lève l’option d’achat.

4 Le dispositif a été inauguré à Parthenay-de-Bretagne.

5 Similaire au principe de l’accession maîtrisée, ce programme est réservé aux ménages primo-accédants et bénéficiaires du Prêt à Taux Zéro (PTZ).

6 D'après Christophe Blot, Chargé de mission PLH à Rennes Métropole, entretien le 19 juin 2025.

Pour citer ce document

Héloïse Chauvel, 2025 : « Produire des logements plus écologiques dans la métropole : quelle contribution des ÉcoQuartiers au logement abordable ? (2/2) », in B. Bisson, B. Mericskay, O. David, A. Lepetit & V. Deborde Atlas social de la métropole rennaise [En ligne], eISSN : 2999-2923, mis à jour le : 03/10/2025, URL : https://atlas-social-de-rennes.fr:443/index.php?id=1495, DOI : https://doi.org/10.48649/asdr.1495.

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doi 10.48649/asdr.1463

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Bibliographie

Piganiol Marie, « Le charme discret de la mixité. Comment attirer des ménages bourgeois dans les écoquartiers », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 238, n° 3, 2021, p.56-81, DOI : 10.3917/arss.238.0056

Mots-clefs

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Héloïse Chauvel

Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche, Université Paris Cité, UMR 8504 Géographie-cités

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Résumé

A l’échelle de la Métropole, sept projets d’aménagement s’insèrent dans la démarche ÉcoQuartier instaurée par l’État. Celle-ci intègre des enjeux écologiques mais également socio-économiques, promouvant mixité sociale et abordabilité du logement. Ces aspects rencontrent les ambitions de la Métropole, qui visent à garantir une offre résidentielle accessible aux ménages. Dès lors, quelle est la contribution des projets en ÉcoQuartier à l’enjeu du logement abordable pour les habitant·e·s ? C’est l’objet de cette série de deux planches.

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